On se représente difficilement l’importance économique, culturelle et politique que ce lieu pouvait représenter dans l’Antiquité et dont parle Tite-Live : « C’était l’époque des Jeux Isthmiques, qui attiraient certes toujours beaucoup de monde, même en d’autres circonstances, en raison du goût inné de ces peuples pour le spectacle, grâce auquel il leur est donné de voir des concours de toutes sortes qui mettent en jeu la technique, la force physique et la vélocité ; de plus, ce lieu était un marché privilégié pour la Grèce et l’Asie du fait que son emplacement favorisé, au point de rencontre entre deux mers, offrait toutes les marchandises que les hommes peuvent rechercher. »
Dans l’Antiquité, l’Isthme est naturellement le passage obligé entre la Grèce centrale et le Péloponnèse. Cette situation stratégique en fait tout naturellement un carrefour économique et commercial : une voie pavée relie d’est en ouest le golfe Saronique au golfe de Corinthe. On transférait par cette route les navires, délestés de leur marchandises, de la mer Egée vers la mer ionienne.
Cette activité portuaire assura la prospérité de la cité de Corinthe qui contrôlait la région grâce à ses deux ports et recevait de substantiels bénéfices. Mais cette région devint aussi un lieu de rassemblement panhellénique avec une forte portée symbolique, grâce à la présence du sanctuaire de Poséidon, et surtout à l’institution du concours des Jeux Isthmiques, fondés en 582 av. J.C.
Restes des thermes romains et activités industrielles de l'Isthme (en haut)
L’origine de ces jeux serait la suivante. Selon la mythologie, Ino, poursuivie par son mari Athamas, se serait jetée dans le golfe Saronique avec son jeune fils Mélicerte. Un dauphin amena sur son dos le corps du défunt Mélicerte jusqu’au rivage d’Isthmia, où il reçut un culte sous le nom de Palémon, et des jeux funèbres auraient été organisés en son honneur par Sisyphe. D’autres traditions attribuent la fondation des Jeux à Thésée, pour expier le meurtre d’un proche (Sciron ou Sinis), et pour rivaliser avec Héraclès fondateur des Jeux Olympiques. On le voit,on a donc deux versions, l’une locale, et l’autre « athénienne », cherchant à valoriser Thésée, le héros national.
La première version semble la plus répandue et la mieux attestée. Outre Palémon, et Poséidon, détenteur du temple principal, d’autres divinités étaient honorées dans le sanctuaire : les Cyclopes (fils de Poséidon), Déméter, Koré, Dionysos, Artémis, Pluton… Mais l’ensemble du site n’a pas encore été fouillé. On devine bien l'emplacement du théâtre (photo ci-contre) par la cavité qui déforme le terrain mais l'endroit où l'on rendait ces cultes reste à découvrir.